Elle est l’une des athlètes françaises les plus titrées de l’histoire. Thu Kamkasomphou, qui a remporté un nouveau titre mondial il y a quelques semaines, est revenue pour Ti Sport sur les moments forts de sa carrière. Entretien exclusif.
Thu, tu es née au Laos, avant d’arriver en France à l’âge de dix ans. Comment s’est passée ton intégration ?
Le Laos a changé de régime politique et mes parents ont décidé de venir en France pour avoir un meilleur avenir. J’étais jeune, mais la première difficulté était la compréhension de la langue puisque je ne parlais pas un mot de français. Au niveau du climat, notamment en hiver, c’était aussi compliqué lorsque tu es habituée aux températures du Laos. Maintenant, je suis très contente d’être là où je suis et d’avoir accompli tout ce que j’ai fait.
« C’était un moment très dur lorsque l’on m’a dit que ne pourrait plus jamais faire de sport et même travailler debout »
Thu Kamkasomphou
Pourquoi as-tu choisi le tennis de table ?
Je faisais du football à l’époque, mais mon père m’a demandé si le tennis de table m’intéressait. Et vu que j’aime tous les sports, j’ai commencé cette discipline. Petit à petit, je me suis tourné davantage vers le tennis de table, car j’avais l’occasion de m’entraîner cinq fois par semaine. Mais j’ai malgré tout continué le football pendant un an, je jouais tout le temps dans la cour de récréation.
À l’âge de 17 ans, on te diagnostique une périartérite noueuse. Comment as-tu fait pour aller de l’avant ?
J’étais à l’époque au pôle France de Caen lorsque l’on m’a diagnostiqué cette maladie. On ne sait pas d’où elle vient alors les spécialistes m’ont dit que c’était à cause d’un virus. J’ai donc dû arrêter le sport pendant un an alors que j’étais classée au 8e rang chez les juniors et au 38e rang chez les seniors. C’était un moment très dur lorsque l’on m’a dit que ne pourrais plus jamais faire de sport et même travailler debout.
Quand tu as 17 ans, tu t’entraînes presque deux fois par jour et mon objectif c’était l’équipe de France. Je rêvais d’être championne du monde et championne olympique. Et depuis que j’ai intégré le handisport, j’ai un palmarès qui dépasse toutes mes attentes. Je n’ai pas écouté la médecine et j’ai continué d’avancer.
« Cette médaille d’or (Pékin 2008), c’était aussi une forme de récompense pour tous ceux qui m’accompagnent depuis le début »
Thu Kamkasomphou
Année après année tu es devenue une icône du para tennis de table français. Quel est le plus beau souvenir de ta carrière ?
J’ai énormément de magnifiques souvenirs. S’il faut en choisir un, je dirai ma médaille d’or aux Jeux paralympiques de Pékin en 2008. En Chine, le tennis de table est un sport national et j’ai eu la chance de jouer dans une salle de connaisseurs. Et cette médaille d’or, c’était aussi une forme de récompense pour tous ceux qui m’accompagnent depuis le début.
Peux-tu nous dire quelques mots sur les Championnats du monde qui ont eu lieu il y a quelques semaines ?
Au niveau de l’organisation, c’était la plus belle compétition handisport à laquelle j’ai participé depuis mes débuts. On avait vraiment l’impression de se rapprocher des valides. Le fait d’avoir encore une fois remporté les Championnats du monde, c’était pour moi quelque chose d’exceptionnel.
Tu as notamment réalisé un parcours presque parfait pour décrocher l’or en simple…
Selon moi, j’ai pratiqué un très bon jeu durant la compétition, ce qui m’a permis d’aller au bout. Sur les quatre rencontres, je n’ai perdu qu’un seul set et ce n’est vraiment pas grand-chose.
« Si un jour je dois quitter la compétition, c’est que je n’aurais plus le niveau »
Thu Kamkasomphou
Tu as aussi obtenu le bronze en double dames…
Avec Morgen Caillaud on est une paire toute jeune et c’était notre première compétition officielle. On a joué contre des paires qui avaient l’habitude de jouer ensemble et à l’inverse, nous n’avions de notre côté pas encore tous les automatismes. Donc on va travailler dur ensemble pour remporter une plus belle médaille que le bronze que nous avons obtenu lors des Championnats du monde.
Thu, tu as 54 ans, qu’est ce qui te pousse à continuer ?
Lorsque l’on me pose cette question, je réponds souvent avec une métaphore. Quand on aime manger un plat, on ne pense qu’à une chose, y goûter à nouveau. C’est la même chose avec le tennis de table et je ne suis jamais rassasié. Si un jour je dois quitter la compétition, c’est que je n’aurais plus le niveau. Pour moi, on ne se lasse jamais de victoires. Pour autant, les records ne sont pas forcément quelque chose que je vise. Je reste concentrée sur ma performance avant tout.
Les Jeux paralympiques de Paris 2024 doivent donc être dans un coin de ta tête ?
Pour l’instant, je n’y pense pas encore. Même si j’ai remporté les Championnats du monde, je ne suis pas qualifiée d’office pour les Jeux paralympiques de Paris. Il faut pour cela remporter les Championnats d’Europe en 2023.